Voilà tout est dans le titre, la grande aventure tant attendue a pris fin le dimanche 28 avril 2010 à 12H42'05" dans une bonne grosse douleur comme jamais je ne l'avais ressentit jusqu'à présent. Mais le principal étant d'être arrivé au bout.
Pourtant les choses avaient quand même mal commencé. La météo, capricieuse ces derniers jours, nous avait laissé espérer jusqu'au dernier moment, et puis non, le week-end arriva avec la pluie pour ne plus la quitter. Alors évidemment quand le réveil a sonné à 05H00, le premier réflexe fut de regarder par la fenêtre, non pour se rassurer, mais pour confirmer ce que l'on entendait déjà avant même de l'avoir vu, les gouttes de pluie venant se fracasser contre le bâtiment.
Ce cher marathon, tant espéré, commençait bien mal, se rajoutant à cela une tension nerveuse à l'idée de se jeter dedans, qui mêlée au mauvais temps, n'aidait pas le moral à briller. C'est donc tout grelotant que nous sommes partis prendre le train pour nous rendre à Shinjuku, essayant tant bien que mal de rester le plus sec possible, pour retarder au plus tard cette fatidique échéance où l'on finira trempé quoi qu'il en soit.
C'est dans le hall du Keio Plaza que nous complèterons notre tenue, retirant pour l'occasion nos derniers effets chauds, conservant tout au plus un parapluie voir un sac poubelle sur le dos pour certains.
L'organisation est exemplaire, les sacs contenants nos vêtements de rechanges (fournis et étiquettés par l'organisation) sont à remettre aux camions correspondants, 35 000 sacs à récupérer en 1 heure et denie et pourtant tout est d'une fluidité exemplaire. Il faut dire que les japonais y mettent les moyens, le nombre de "participants à l'organisation' est ahurissant, tout le monde est dans le "trip" du marathon, nombre de ces volontaires sont des perdants du tirage au sort, comme quoi le fairplay règne en maitre ici.

Une fois délesté de cet excédent de bagages, il ne reste plus qu'à rejoindre notre zone de départ, une répartition des coureurs faite en fonction du temps qu'ils ont déclarés lors de l'inscription. C'est là que nous nous séparons, mon pote Morrslieb et moi même, il est C et je suis E.
La zone E est la dernière sur l'axe de départ devant la mairie de Tokyo, à partir de F ils sont en retrait, perpendiculaire à l'axe. Nous faisons partie des derniers à pouvoir profiter du spectacle du Top départ. L'attente est longue, plus d'une heure avant de commencer à battre le bitume.
La pluie ne cesse de tomber, certains comme moi ont conservé leur parapluie, d'autres sont protégés sous des sacs poubelles,et les autres baignent dans leur jus, de toute façon ce n'est qu'une question de temps pour que l'on soit tous logé à la même enseigne.
09H10, c'est le départ, tout le monde s'élance.....comme il peut, car il n'y a pas de place. Il s'agit simplement de laisser aux premiers le temps de faire coucou au Maire, qui , au passage, lui est à l'abri avec une Ombrella Girl en Kimono qu'on échangerait bien sa place avec la sienne. Et enfin c'est partit !!!!!!!
Haaaa, la joie de courir sous la flotte, quand je pense qu'à la maison je renonçais à partir courir dès qu'il tombait quelques gouttes, me voilà bien attrapé.
Les premiers kilomètres sont assez difficiles car le rythme est impossible à prendre. Trop de monde. Ce n'est qu'au bout du 5ème kilomètre que l'on commence "vraiment" à y voir plus clair. Jusqu'ici celà ressemble plus à un super G qu'à un marathon, vire à gauche, vire à droite, passe entre deux....attention ça glisse, trottoir, caniveau, trottoir, gauche, droite......rahhh tout un programme.
Tout ça c'est bien rigolo, mais ça fait chuter la moyenne dès les premiers kilomètres et c'est pas bon. Alors quand le panneau des 5 kilomètres apparait au bout de 25 minutes, j'ai un peu le sentiment qu'il faut se ressaisir et j'avale les 5 suivants en 21 minutes. Le rythme est bon, le moral au beau fixe (pas comme le temps !!!) donc je poursuis dans mon élan, après tout y a pas de raison que ça s'arrête (maintenant je sais que si, mais on est con quand on est jeune). Finalement le "semi" se passe sans encombre et la satisfaction est à sa comble; 1H35 pour faire 21 bornes, je me vois déjà frôler les 3 heures à l'arrivée, en tirant un peu plus sur la deuxième moitié pour passer sous les 1H30 au Semi.
MMMhhhhhhh mais ça c'était sans connaître le marathon, Joe le marathon, celui qui te sourit toute la première moitié et te pète les deux genoux quand tu attaque la deuxième. Dans les milieux bien informés on parle d'une légende, une légende urbaine, que les plus anciens appelle "le mur", le mur des 30 kilomètres. Une sorte de rupture, non pas spatio-temporelle, mais physiquo-mentale, une dissociation complète du corps et de l'esprit. La tête est là, présente, elle en veut, elle a la hargne et c'est bien, et puis il y a les jambes, elles, elles ne répondent plus, elles ont déclaré forfait, et pour te le prouver elles verrouillent tout, ça grince et c'est pas bien. Bien sur ça ne se fait pas comme ça, c'est progressif, cela débute par une douleur dans le genou, on se dit que ça passera, puis ça s'amplifie et l'autre prend le relais, alors on pense que le rythme est mauvais, que les jambes s'engourdissent dans une foulée qui ne leur correspond pas, qu'il faut allonger, relancer. Mais rien ne vient. On tente alors le souffle, car heureusement les poumons sont toujours là eux aussi, donc on va les solliciter, redonner un rythme. Mais rien n'y fait.
Et bizarrement, toi le newbies du marathon, toi qui te voyais déjà embrasser les 03 heures, tout ceux que tu as doublés durant ta belle envolée te repasse devant un par un, petit à petit. Tout à coup tu te rappelle cette remarque que tu t'étais faite dans la tête, que tout ceux qui t'entouraient portaient la lettre A sur leur dossard et tu te payais le luxe de les croquer. Et bien il y avait une raison à cela et elle s'éclaire à toi comme un mur dans ta face. Et ça fait mal !!!!!
La suite n'est que pure agonie, la foulée se rétrécie à mesure que la douleur augmente, et je ne parle pas des bras engourdis par le froid qui délivre une petite décharge électrique à chaque fois que vous tentez de les réveiller, non je ne m'apitoie que sur les jambes. Les kilomètres me séparant de l'arrivée sont de plus en plus long et ce n'est pas une vue de l'esprit car le chrono s'allonge à mesure qu'ils défilent. Pour preuve, 31'57" pour aller du 35ème au 40ème et 13'58" pour finalement relayer les derniers 2,195 kilomètres de la course. Dur, c'est vraiment dur. Seul soulagement, la pluie a cessé après trois heures de course.
Finalement je franchis la ligne d'arrivée après 3h 37' 24". Mes jambes ne répondent absolument plus, je erre au milieu des autres coureurs, on se croirait dans un film de Romero, tout les runners ne sont que zombies, chacun récupère sa collation, sa serviette du finisher et sa médaille en tentant de sourire au Staff qui n'a de cesse de nous féliciter, ils ont une énergie qui fait plaisir à voir, mais moi je ne demande qu'à m'asseoir.
Finalement tout le monde termine dans un gigantesque Hall du Tokyo Big site reconvertit en vestiaire géant. J'y retrouve mon compagnon d'infortune qui bien qu'ayant fini avec 13 minutes d'avance, a grave ramassé lui aussi. On se complaît dans notre douleur, tout fier que nous sommes d'avoir terminé, et déjà il faut penser à appeler la petite femme qui attend dehors avec la marmaille.
Alors bien sur, on a traversé Tokyo, c'est vraiment impressionnant et jubilatoire, mais malheureusement, me concernant, la contemplation n'aura été que de courte durée, le temps, je crois, de traverser Shinjuku, l'effort et la concentration de la course (non, non je ne me la pète pas !!!) prenant très rapidement le dessus. Après je ne me rappelle que de parcelles du parcours, comme Asakusa, où certains éléments du décor sont visuellement remarquables.
Toujours est il qu'il s'agit d'une foutue grande expérience, un bonheur et une torture à la fois, mais la satisfaction personnelle est tellement grande, que cela mérite d'être vécue.
A quand le prochain marathon ?
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Juste histoire, la photo qui suit a été prise peu après la sortie du vestiaire:
I'm just so desgusted !!!!!
L'organisation vient d'officialiser le prochain marathon de Tokyo, qui se tiendra le 27 Février 2011........ oserais-je ????
@+